Duhamel, Marie-France (2024) Étudiants du Pacifique ce qui les détourne de la documentation linguistique. Journal de la Société des Océanistes, 2024 . pp. 158-159. ISSN 0300-953X
![]() |
Text
- Published Version
Download (231kB) |
Abstract
La région Pacifique est linguistiquement très diverse et les nombreuses universités locales ne sont pas sans savoir qu’un grand nombre de langues de notre région sont menacées de disparaitre. Ces institutions se trouvent non seulement dans les plus grands États de la région (Australie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Aotearoa/Nouvelle-Zélande), les États et territoires des États-Unis (Hawai̍i et les Samoa américaines) et les dépendances de la France (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française), mais également dans les petits États insulaires des zones géographiques de Mélanésie, Polynésie et Micronésie. Ces institutions sont financées en partie par le gouvernement du pays, par des organismes internationaux ou privés et, pour les universités administrées selon le modèle de l’anglosphère, en partie par les étudiants eux-mêmes. Pour ce qui est des institutions néozélandaises, sur lesquelles je me concentrerai puisque celles-ci me sont particulièrement familières, le gouvernement néozélandais ne contribue qu’à 42 % de leur coût (Universities nz – Te Pōkai Tara, 2024). Ces universités sont des entreprises, l’éducation est leur marchandise et les étudiants/consommateurs prennent à leur charge 28 % des coûts. En comparaison, conformément à ce qui semble courant en Europe où les gouvernements assurent la plupart des coûts de l’enseignement supérieur (European Commission, 2023), 67 % du coût des universités publiques françaises sont couverts par l’État français, auxquels s’ajoutent 10 % pris en charge par des autorités locales, et 20 % répartis entre les entreprises et résidents locaux, le coût pour les étudiants reste donc très modéré.
1 Les études supérieures coûtent entre 7 000 et 17 000 dollars néozélandais (4 000 et 9 700 euros) (...)
Les institutions d’enseignement supérieur de la région Pacifique savent l’importance du travail de documentation linguistique, qui permet d’endiguer la disparition des langues minoritaires, ainsi que celle des connaissances, pratiques, et richesses intellectuelles qu’elles véhiculent. Cependant, ce domaine est de plus en plus délaissé par ces institutions, particulièrement dans le cas des universités de Aotearoa/Nouvelle-Zélande. En effet, ces deux dernières décennies, l’attention des départements de linguistique s’est largement focalisée sur l’enseignement de l’anglais aux étudiants étrangers, et cela au détriment du travail linguistique sur les langues océaniennes. Le sous-financement chronique des établissements d’enseignement supérieur néozélandais depuis la fin du siècle précédent est à l’origine de ce changement d’orientation, qui pousse les universités à favoriser rentabilité et profit, au détriment de leur fonction principale de soutien à la recherche, à l’innovation, à la cohésion et à la justice sociale. Dans cette vision à court terme, l’enseignement et la recherche en sciences humaines et sociales sont jugés peu rentables. Les études supérieures sont payantes et chères en Aotearoa/Nouvelle-Zélande et les étudiants venant de l’étranger paient en moyenne cinq fois plus que les étudiants nationaux. L’enseignement de l’anglais à des étudiants étrangers non-anglophones se révélant particulièrement lucratif1, il a largement pris le pas sur la documentation des langues des pays du Pacifique, désormais parent pauvre de la linguistique.
Item Type: | Journal Article |
---|---|
Subjects: | P Language and Literature > PL Languages and literatures of Eastern Asia, Africa, Oceania |
Divisions: | School of Pacific Arts, Communication and Education (SPACE) |
Depositing User: | Fiona Willans |
Date Deposited: | 20 Jul 2025 21:27 |
Last Modified: | 20 Jul 2025 21:27 |
URI: | https://repository.usp.ac.fj/id/eprint/15022 |
Actions (login required)
![]() |
View Item |